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Image de la semaine | 12/05/2025

Analyses élémentaires et structurelles de minéraux par microscopie électronique

12/05/2025

Anne-Magali Seydoux-Guillaume

Laboratoire de Géologie de Lyon (LGL-TPE), CNRS/Univ. J. Monnet Saint-Étienne

Olivier Dequincey

ENS de Lyon / DGESCO

Olivier Dequincey

ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

Microscopie électronique et étude approfondie de minéraux choqués pour retrouver le point d'impact des australasites, “jeunes” tectites asiatiques.


Amorphisation partielle d'un monocristal de zircon (ZrSiO4) en réponse à une impulsion laser ultra-rapide (fs), image colorisée

Figure 1. Amorphisation partielle d'un monocristal de zircon (ZrSiO4) en réponse à une impulsion laser ultra-rapide (fs), image colorisée

Image (environ 50 nm de côté) réalisée en microscopie électronique en transmission en mode balayage et détection en “champ sombre” (STEM-ADF).

STEM = microscopie électronique en transmission en mode balayage. ADF = annular dark-field = analyse par détecteur annulaire champ sombre.

Échelle et interprétation sur la figure 2.


Amorphisation partielle d'un monocristal de zircon en réponse à une impulsion laser ultra-rapide (fs), image interprétée en niveaux de gris

Figure 2. Amorphisation partielle d'un monocristal de zircon en réponse à une impulsion laser ultra-rapide (fs), image interprétée en niveaux de gris

Image réalisée en microscopie électronique en transmission en mode balayage et détection en “champ sombre” (STEM-ADF).

STEM = microscopie électronique en transmission en mode balayage. ADF = annular dark-field = analyse par détecteur annulaire champ sombre.

On est à l'échelle des mailles cristallines et des atomes. On distingue les zones cristallisées (agencement périodique) des zones non-cristallisées ou amorphes (absence de régularité spatiale).


Pour observer de près un échantillon de roche ou des minéraux, on peut tout simplement éclairer l'échantillon avec de la lumière. On peut alors “analyser” la lumière renvoyée par la surface à l'aide d'une loupe qui permet de “grossir” l'image. On peut aussi “analyser” la lumière qui a traversé l'échantillon, auquel cas ce dernier doit être assez fin pour être au moins partiellement transparent à la lumière, on analyse alors “à la loupe” la lumière dite transmise. Les lames minces de roches ont pour cela une épaisseur de l'ordre de 30 μm (cf. la vidéo le métier de litho-préparatrice ou la page Les lames minces).

Pour obtenir des images plus détaillées, l'imagerie électronique remplace la lumière par des faisceaux d'électrons permettant une résolution spatiale bien meilleure (gain d'un facteur 1000 à 20000 pour les premiers microscopes) et une maitrise de la “qualité” du faisceau incident (énergie, focalisation…)… On arrive aujourd'hui à des grossissements de 50 millions de fois avec le microscope dont sont issues les figures 1 et 2 !

Pour une analyse de surface, le microscope électronique à balayage (MEB ou SEM pour Scanning Electron Microscope) balaie la surface d'un échantillon “massif” avec son fin faisceau électronique, chaque “point” permettant alors de former une image à partir des particules émises en retour (électrons secondaires, électrons rétrodiffusés, photons émis par les éléments “rencontrés”) dont les  intensités dépendent des interactions avec les atomes de surface. Ceci permet par exemple une cartographie élémentaire de la surface (figure 6) car les éléments chimiques réfléchissent plus ou moins les électrons incidents (plus l'atome est lourd, moins les électrons pénètrent et plus ils sont rétrodiffusés).

On peut aussi analyser le signal transmis à l'aide d'un microscope électronique en transmission (MET ou TEM pour Transmission Electron Microscope) à condition d'avoir un échantillon transparent aux électrons, soit d'une épaisseur inférieure ou égale à 100 nm (cf. la vidéo une séance au MET ou la vidéo Thin lamella by FIB). Les MET “modernes” présentent aussi une configuration en balayage (METB ou STEM pour Scanning Transmission Electron Microscope) dans laquelle une image est acquise “pixel” par “pixel” au fur et à mesure que le faisceau électronique balaie l'échantillon examiné. On arrive à une résolution à l'échelle (sub)atomique permettant la mise en évidence des réseaux cristallins (figures 1 et 2).

En MET “classique”, les électrons sont absorbés par les éléments rencontrés, d'autant plus que le numéro atomique de l'élément est élevé (ou que l'échantillon est épais). De plus, les réseaux cristallins diffractent les électrons. Ainsi, lorsque l'image est le résultat des électrons détectés dans l'axe optique (faisceau “direct”) les matériaux fins et/ou constitués d'éléments légers et/ou amorphes apparaissent “clairs” puisque peu d'absorption aura eu lieu, les électrons auront été transmis en grand nombre sans “absorption” ni “déviation”. Sur ce fond clair en l'absence d'absorption/déviation (champ clair, “bright field” BF), un matériau apparaitra donc d'autant plus sombre qu'il est épais et/ou constitué d'éléments lourds et/ou cristallisé (diffraction). Il est aussi possible de “détecter” les électrons diffractés, situés en dehors du faisceau direct. En l'absence de diffraction, l'image hors faisceau direct est sombre (aucun électron diffracté) (champ sombre, “dark field” DF) et donc, en cas de diffraction, les électrons diffractés forment une image renseignant sur le réseau cristallin traversé.

En configuration METB (transmission en mode balayage), le faisceau électronique est d'autant plus dévié qu'il “rencontre” des éléments lourds. Les éléments les plus lourds peuvent alors être “observés” en champ sombre (hors du faisceau “direct”), les éléments étant repérés par des “taches claires” sur fond sombre. Pour les éléments les plus légers, une analyse en champ clair, sur les “bords” du faisceau direct (avec un détecteur annulaire, “annular” en anglais), permet de les repérer et de les distinguer du fond (plus “éclairé”) et des éléments lourds (taches très sombres du fait de la diffraction à plus grand angle). La comparaison des images champ clair / champ sombre montre la complémentarité des deux observations (figure 3) pour “voir” l'organisation spatiale des atomes dans le matériau étudié.

Si l'explication de principe est relativement aisée (pour “tout” savoir, se reporter, par exemple, à Williams et Carter, 2009 [L1]), la réalisation technique a nécessité, entre autres, le développement de lentilles magnétiques et de configurations adaptées afin de contrôler, focaliser, recueillir les électrons et “corriger” (aberrations) les images désirées.

Zircon (ZrSiO4) observé en champ sombre (ADF) et en champ clair (ABF) par microscopie électronique en transmission en mode balayage

Figure 3. Zircon (ZrSiO4) observé en champ sombre (ADF) et en champ clair (ABF) par microscopie électronique en transmission en mode balayage

Le cristal est vu selon l'axe “c” [001]. Les oxygènes forment des colonnes d'éléments légers (points rouges) selon l'axe c, alors que Si et Zr forment des lignes distinctes sur le plan (ab) mais des colonnes alternant Si et Zr selon l'axe c, ce qui empêche la distinction nette Si/Zr selon cet angle de vue. Néanmoins, les deux images sont bien complémentaires. On voit très bien les éléments lourds (Si et Zr) donnant des taches claires en champ sombre (ADF), la présence des oxygènes étant plus difficile à discerner. En champ clair (ABF), on distingue clairement les marques sombres des éléments lourds que sont Si et Zr, là encore, la place des oxygènes, plus grisés, se distingue assez peu du fond “blanc” (gris très clair).


Les images obtenues par STEM permettent également de différencier les zones amorphes des zones cristallisées (figures 1 et 2). Ces images sont aussi comparées à des modèles cristallins permettant de déterminer l'angle d'observation du réseau. En effet, l'image obtenue diffère selon l'orientation de la “tranche” analysée dans le réseau car les “alignements” atomiques diffèrent alors (pour s'en convaincre, utiliser l'outil “Crystal Structure” de Mindat.org pour observer, par exemple les réseaux du zircon et de la monazite permettant de tourner le réseau cristallin dans tous les sens – effet garanti en affichant non pas une seule maille – Unit Cell – mais un bloc 2×2×2, 3×3×3 voire 4×4×4). Ceci permet de mettre en évidence des plans avec, de part et d'autre, le même minéral montrant des orientations différentes suite, par exemple, à une déformation consécutive à un choc (figure 4).

Des microscopes électroniques complexes allient les possibilités combinées des MEB, MET et METB pour une analyse très complète et diversifiée d'échantillons.

Des outils permettent aujourd'hui de créer et tester des matériaux de haute densité, par exemple en soumettant des cristaux à des conditions extrêmes par utilisations de lasers ultrarapides (dits “femto-seconde” ou fs) (projet DENSE). Même si cela reste à l'échelle nanométrique, ces expériences permettent de soumettre des cristaux à des conditions de pression et de température simulant un choc météoritique, puis d'en visualiser et caractériser les conséquences, comme l'amorphisation partielle du cristal “choqué” (zircon, figures 1 et 2). D'autres effets, tels des déformations intracristallines, sont aussi observés sur ces échantillons expérimentaux et reconnus sur des minéraux naturels choqués par un impact de météorite (Seydoux-Guillaume et al., EPSL, 2024 [A1]) et vidéo UJM, 2022 [V1]), comme observé sur un cristal de monazite (figure 4) prélevé dans la formation de Rietputs, dans la structure d'impact de Vredefort en Afrique du Sud (cf., par exemple, Les shatter cones de l'astroblème de Vredefort, Afrique du Sud).

Cristal de monazite naturellement choqué provenant de la formation de Rietputs située dans la structure d'impact de Vredefort (Afrique du Sud)

Figure 4. Cristal de monazite naturellement choqué provenant de la formation de Rietputs située dans la structure d'impact de Vredefort (Afrique du Sud)

On observe très bien 2 zones cristallisées (agencement spatial régulier) mais d'orientations différentes de part et d'autre d'un plan d'orientation (001) dans le repère cristallin de la monazite (Ce-monazite, CePO4).


Cette observation à l'échelle subatomique des minéraux choqués a par ailleurs permis d'avancer dans la recherche de la zone d'impact ayant abouti à la formation des australasites, tectites (roches fondues éjectées après impact d'une météorite – cf. Les tectites, des larmes de la Terre) largement dispersées en Asie du Sud-Est (figure 5) après un impact daté d'il y a 788 ka mais dont le point de chute reste indéterminé (Seydoux-Guillaume et al., 2024 Geology [A2] et vidéo “australasites” [V4]). Les observations sur un cristal de monazite (phosphate de terres rares, Ce, La, Gd, Nd ou Sm principalement) ont permis de reconnaitre qu'il avait subi des conditions extrêmes dues au choc mais que celles-ci ne l'avaient par mené à son point de fusion. De plus, l'observation de zonations chimiques nettes préservées (figure 6) indique l'absence de diffusion chimique induite au sein du réseau, et donc la préservation des signaux isotopiques anté-choc (dont les chronomètres isotopiques et donc l'âge de la dernière cristallisation). Les datations de cette monazite choquée a permis d’exclure 22 des 25 substratums d’impact potentiels pour n’en garder que 3 (figure 7), des études complémentaires seront nécessaires pour tenter de déterminer le type de substratum “choqué” avant, éventuellement de préciser le point d’impact (s’il est encore “accessible”).


Cartographie chimique du Th par MEB d'un cristal de monazite (CePO4, Ce-monazite) montrant une zonation chimique nette préservée

Figure 6. Cartographie chimique du Th par MEB d'un cristal de monazite (CePO4, Ce-monazite) montrant une zonation chimique nette préservée

L'absence de diffusion et de réhomogénéisation au sein du minéral indique que les signaux isotopiques (âges) mesurés renseignent toujours sur l'origine du cristal anté-choc, et donc sur la roche impactée qui le contenait.


Recoupement des informations obtenues avec les caractéristiques des trois “régions” retenues

Figure 7. Recoupement des informations obtenues avec les caractéristiques des trois “régions” retenues

Les données concernant les caractéristiques de monazites de 25 substratums potentiels ont été testées. Les données de l'étude ne concordent qu'avec 3 régions éventuelles. La composition chimique des monazites vietnamiennes de la Red River, très différente de celle de la monazite étudiée, semble écarté cette source, mais le manque de données comparables pour les autres sites interdit à l'heure actuelle le rejet définitif de ce site.


A- Articles scientifiques

A.-M. Seydoux-Guillaume, T. de Resseguier, G. Montagnac, S. Reynaud, H. Leroux, B. Reynard, A.J. Cavosie, 2024. Bridging the shocked monazite gap- deformation microstructures in natural and laser shock-loaded samples, Earth and Planetary Science Letters, 628, 118587 [pdf]

A.-M. Seydoux-Guillaume, P. Rochette, E. Gardés, P.-M. Zanetta, S. Sao-Joao, Ph. de Parseval, B.P. Glass, 2024. Clues on the Australasian impact crater site inferred from detailed mineralogical study of a monazite inclusion in a Muong Nong tektite, Geology, 52, 12, 865-869 (Open Access)

L- “Le” livre de référence en microscopie électronique

D.B. Williams, C.B. Carter, 2009. Transmission Electron Microscopy – A Textbook for Materials Science – Second Edition, Springer, 775p (édition téléchargeable pour qui possède un compte dans un établissement de recherche en France)

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